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Au XVIème siècle, le rétablissement par Henry II de l'impôt sur le sel, dit de la gabelle, si impopulaire dans toutes les provinces de l'Ouest, souleva dans la Guyenne un mécontentement qu'accompagnèrent des actes de la plus déplorable barbarie et que suivit une répression plus barbare encore. Après avoir tué les babeleurs, les paysans attaquèrent les seigneurs comme babeleurs eux-mêmes, ou, du moins, comme partisans de la gabelle. Les châteaux furent brûlés, et quelques gentilshommes massacrés. 7 août 1548 - Révolte des paysans de Saintonge contre l'impôt de la gabelle Une bande, conduite par Talmaigne, qui se faisait appeler le Couronnal, après avoir pillé Saintes, Cognac et Ruffec, parcourt l'Entre-deux-Mers, s'empare de St-André-de-Cubzac, de Bourg et vient assiéger Blaye. Mais le capitaine des Roys, gouverneur de Blaye, du haut des remparts, fait tirer son artillerie sur les rebelles, qui, ensuite poursuivi, se retirent en ravageant toutes les campagnes environnantes. 8 août 1548 - Lettre de M. de Poulengues, gouverneur de Blaye, à M. de Moneins, Lieutenant du Roi de Guyenne Il lui rappelle qu'il n'a, pour garder la ville et le château de Blaye, que 28 hommes alors qu'il lui en faudrait 1.000 ou 1.200. Il se plaint de n'avoir ni poudre ni plomb, ni falotz, ni autres choses nécessaires, notamment des vivres. Il ajoute qu'il a fait assembler les maires, jurats et habitants des faubourgs, qui lui ont tous promis de tenir pour le Roi. 18 août 1548 - Le peuple, révolté contre la gabelle, adresse au gouverneur de la ville et du château de Blaye La sommation suivante : « Capitaine de Blaye, et vous Messieurs les archers et autres, qui êtes dans la ville de Blaye, on a rapporté au commun populaire et à nous que votre intention était nous reculer à coups de canon, qui est une chose de vous fort mal avisée; attendu que l'intention du commun populaire n'est d'entreprendre en rien sur le fait du Roi, mesures dedans la ville de Blaye, ni autres lieux, ni en ses domaines, ni revenus, fors seulement sur les méchants inventeurs chargez cru fait de gabelle, qui est un subside maudit, insupportable, laquelle chose (le sel) est tout ainsi que manne du ciel à nous donnée par la volonté de Dieu », etc... Ce même jour, M. de Moneins, Lieutenant du Roi en Guyenne (dont le père fut tué en 1525 à Pavie aux côtés de François Ier), en raison de l'émotion populaire et des dispositions hostiles de toute la contrée, que le capitaine des Rois, gouverneur de Blaye, et le gouverneur du fort du Hâ relâchent de suite les insurgés internés à Blaye et à Bordeaux. Par la suite, le Couronnal ou chef suprême de l'insurrection avait adressé au maire et aux jurats de Bordeaux des dépêches par lesquelles il leur enjoignait de se trouver sans délai à Libourne avec des munitions de guerre et de bouche, sous peine de la vie. Pendant que les conseillers municipaux délibéraient, la multitude força les portes de l'hôtel de ville, y enleva les armes qui s'y trouvaient en dépôt, assiégea la garnison dans le Château-Trompette, s'empara du gouverneur Tristan de Moneins au moment où il s'approchait pour parlementer, et le tua. Le corps de ce malheureux officier fut saigné comme un pourceau, écorché, dépecé et enterré tout saupoudré de sel. Le parlement essaya de calmer l'effervescence publique ; mais la populace contraignit les conseillers à monter la garde dans ses rangs, habillés en matelots et la pique à la main. C’est le Duc de Montmorency qui fut chargé par Henri II de punir cette émeute. Tous les habitants, sans distinction de conduite et de rang, furent désarmés ; le parlement interdit fut remplacé par une commission extraordinaire de maîtres des requêtes de Paris, et de quelques conseillers d'Aix et de Toulouse. La ville, atteinte et convaincue de félonie : elle perdit ses franchises et son gouvernement municipal ; Montmorency remplaça ses jurats par vingt-quatre prud'hommes à la nomination du roi ; les cloches descendues du haut des églises et fondues pour la marine royale ; les tours de l'hôtel de ville découvertes, ses titres et registres, artillerie et munitions de guerre enlevés. Mais ces mesures ne furent point assez exemplaires aux yeux de la cour prévôtale ; elle ordonna de plus que l'hôtel serait rasé, et que de ses débris on bâtirait une chapelle où serait célébré chaque jour l'office des morts pour le repos de l'âme de Tristan de Moneins. En exécution d'un autre article de l'arrêt, les jurats et cent vingt notables allèrent, en habits de deuil, déterrer avec leurs ongles le corps de Moneins, l'emportèrent sur leurs épaules d'abord devant l'hôtel du connétable, où ils se mirent à genoux, et demandèrent pardon à Dieu, au roi et à la justice, et se rendirent ensuite à la cathédrale, où Moneins fut inhumé dans l'endroit le plus apparent du chœur. Puis la place de l'hôtel de ville resta couverte d'échafauds et de gibets permanents pendant plus de sept semaines. Les capitaines de la ville, du château du Hâ et du Château-Trompette, quoique innocents des désordres de la populace, furent punis de mort pour n'avoir pas devancé 'les ordres sanguinaires du connétable. Cent cinquante bourgeois furent exécutés ; plusieurs chefs de mécontents expirèrent sur la roue, une couronne de fer rouge sur la tête ; d'autres furent condamnés à la flétrissure et au bannissement. Pour finir la ville fut taxé à 200 000 livres pour payer la frais de l'armement. Antoine DE BARRY |